Tout commence par une succession de deux petits événements dont un homme, qui porte une guitare, est témoin par hasard : le dynamitage d'un pan de montagne dans le but de préparer l'arrivée du chemin de fer ; et le second, plus grave, une attaque de diligence qui causera la mort d'un homme. Le témoin s'appelle Johnny Guitare. Et les deux faits qui viennent de se produire sous ses yeux serviront d'arguments à une autre tragédie à venir.
Dans
cette vallée perdue de l'Arizona, l'arrivée prochaine du chemin de fer
va cristalliser toutes les tensions. Deux clans s'opposent, tenus chacun
d'une main de fer par deux femmes. D'un côté Vienna, la propriétaire
d'un saloon-casino, qui espère faire des affaires avec une toute nouvelle
clientèle. De l'autre Emma, l'éleveuse conservatrice, qui voit d'un
mauvais œil l'arrivée de nouveaux fermiers. L'homme qui est mort lors de l'attaque de la diligence n'est autre que son frère. Le prétexte est tout trouvé pour accuser Vienna et son repaire de brigands.
Mais de sa position de spectateur pacifique, de témoin privilégié, Johnny Guitare laissera entrevoir un passé tumultueux par un écart de conduite. Ce passé le rattrape et la relation qui le nouait à Vienna jadis sort timidement des tempêtes de sable. Sans toutefois connaître les détails de cette histoire commune, l'idée d'un échec à réparer se dessine peu à peu, d'une opportunité manquée. Les peines passées sont comme des rivières sèches que le temps comble de son écoulement réparateur. La métaphore de ce temps réparateur s'incarne dans la roulette du casino. C'est pourquoi Vienna s'acharne tant à vouloir l'entendre tourner alors même qu'il n'y a aucun joueur. Ce cliquetis, comme le tic-tac accéléré d'une horloge, devient un écho futur de sa possible réussite. Et ce temps qui file sans qu'elle puisse le contrôler, elle se donne l'illusion de le posséder par cette roue qu'elle s'obstine à faire tourner dans le vide.
Pour autant, Vienna, n'est pas dupe du jeu qu'elle joue. En témoigne cette parole qu'elle adresse à Johnny Guitare : « Un homme peut devenir un tricheur, un voleur, et même un assassin mais tant qu'il lui restera deux sous de fierté il sera un homme. Si une femme fait de son côté un seul faux pas, elle n'est plus qu'une fille perdue. » Et Vienna a, de plus, bien conscience de jouer les dures pour se protéger et ne plus souffrir.
Pour sa part, Emma, elle, se maintient dans la posture masculine, quitte à se mentir à elle-même. Cette fierté que Vienna attribuait aux hommes, Emma en est submergée au point de renier ses instincts féminins qui lui font honte : elle préfère en effet accuser le rebelle Dancing Kid du meurtre de son frère plutôt que de succomber à ses charmes, qu'il réserve, comble d'ironie, à Vienna, sa rivale.
Ce bras de fer monte en tension et franchit un nouveau palier à la suite du cambriolage de la banque. C'en est trop pour Emma qui réclame justice. Mais Vienna, contaminée par les élans pacifiques de Johnny, refuse de surenchérir à la débauche de violence d'Emma. Parée d'une robe blanche et immaculée, elle tente d'apaiser la situation par la musique, suivant, là encore, l'exemple de Johnny Guitare. Ce dernier, de son côté, ne peut qu'être témoin de l'inéluctabilité de la situation : il connaît l'engrenage de la violence, il en était autrefois prisonnier. Emma, dont la cruauté sans limites la pousse à tuer, cherchera à faire pendre Vienna. Sauf qu'aucun des hommes de son clan n'aura le cran d'exécuter ses ordres, pour la bonne et simple raison que la condamnée est une femme : « Pas une femme ! Non, je ne peux pas ! » Aux yeux des hommes, les femmes restent des femmes, quand bien même elles endosseraient le rôle du sexe opposé. Et les laisser à leur place initiale, c'est finalement, pour les hommes, la garantie de garder la leur.
Le duel, inévitable, devient la seule issue possible. Et il aura pour témoin, non plus seulement Johnny, mais tous les hommes. Le théâtre de l'action se déroulera dans le repaire des brigands. Pour s'y rendre, il faut traverser une rivière puis une cascade qui s'apparentent au Styx, le fleuve de l'enfer. Les protagonistes n'ont d'autre choix que de les franchir, comme si la résolution de ce conflit ne dépendait plus de la nature humaine mais plutôt d'une justice divine. En ce sens, le motif de la cabane perchée au sommet des rochers donne à voir le bleu éclatant des cieux en opposition au rouge de la terre argileuse, du sang à venir. Ici, il ne peut y avoir deux chefs, ni deux natures de femmes. À l'issue de cette confrontation, Vienna jettera son arme dans un geste de dégoût. De la sorte, elle scelle son refus de céder à la violence malgré l'injustice dont elle fut la cible. Et par cet engagement tacite, elle suit la voie toute tracée de Johnny Guitare.(1)
Ce bras de fer monte en tension et franchit un nouveau palier à la suite du cambriolage de la banque. C'en est trop pour Emma qui réclame justice. Mais Vienna, contaminée par les élans pacifiques de Johnny, refuse de surenchérir à la débauche de violence d'Emma. Parée d'une robe blanche et immaculée, elle tente d'apaiser la situation par la musique, suivant, là encore, l'exemple de Johnny Guitare. Ce dernier, de son côté, ne peut qu'être témoin de l'inéluctabilité de la situation : il connaît l'engrenage de la violence, il en était autrefois prisonnier. Emma, dont la cruauté sans limites la pousse à tuer, cherchera à faire pendre Vienna. Sauf qu'aucun des hommes de son clan n'aura le cran d'exécuter ses ordres, pour la bonne et simple raison que la condamnée est une femme : « Pas une femme ! Non, je ne peux pas ! » Aux yeux des hommes, les femmes restent des femmes, quand bien même elles endosseraient le rôle du sexe opposé. Et les laisser à leur place initiale, c'est finalement, pour les hommes, la garantie de garder la leur.
Le duel, inévitable, devient la seule issue possible. Et il aura pour témoin, non plus seulement Johnny, mais tous les hommes. Le théâtre de l'action se déroulera dans le repaire des brigands. Pour s'y rendre, il faut traverser une rivière puis une cascade qui s'apparentent au Styx, le fleuve de l'enfer. Les protagonistes n'ont d'autre choix que de les franchir, comme si la résolution de ce conflit ne dépendait plus de la nature humaine mais plutôt d'une justice divine. En ce sens, le motif de la cabane perchée au sommet des rochers donne à voir le bleu éclatant des cieux en opposition au rouge de la terre argileuse, du sang à venir. Ici, il ne peut y avoir deux chefs, ni deux natures de femmes. À l'issue de cette confrontation, Vienna jettera son arme dans un geste de dégoût. De la sorte, elle scelle son refus de céder à la violence malgré l'injustice dont elle fut la cible. Et par cet engagement tacite, elle suit la voie toute tracée de Johnny Guitare.(1)
(1) « La violence est comme dépassée : ce que les personnages ont conquis (...) c'est le niveau d'abstraction et de sérénité, la détermination spirituelle qui leur permet de choisir, et de choisir nécessairement le côté qui leur permet de renouveler, de récréer sans cesse le même choix, tout en acceptant le monde. » L'Image-mouvement. Cinéma 1 de Gilles Deleuze, Les Éditions de Minuit, coll. Critiques, 1983, page 189.
Vienna (Joan Crawford). |
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