Revenu de l'antre du noir, de ce gigantesque coffre d'acier oxydé, j'ai vu tant et tant de lumière. Je l'ai vue et l'ai sentie irradier les persiennes de la matière. Elle m'a tout dit, m'a grisé de ce parfum proche de celui des grottes ou des caves, des lieux de vie où les traces peuvent attendre des siècles avant d'être vues.
Là-bas, j'ai été avalé par une baleine et devant moi, bercé, couvé par les effluves marines, à travers les fanons de la bête, miroitait la surface d'une mer tiède. À peine effrayé par ce drame, j'ai recouvert tous mes autres cauchemars d'encre de chine, cherchant à laver mes peurs et celles des autres, ancestrales. Depuis, tous les murs se fissurent et retiennent sur mon passage les traces de mes rêves métallurgiques.
Là-bas, enfermé dans cet immense sténopé, j'attendais que Dieu daigne libérer le petit trou par lequel le monde se renverserait dans ma chambre noire : il a joué avec moi comme je jouais, étant enfant, à presser mes paupières closes et faire apparaître des formes fantomatiques.
Là-bas, j'ai bu la tasse des hydrocarbures en faisant semblant de me noyer dans la nappe compacte de mes illusions. Et mon souffle s'imprime depuis comme un crachin de seiche dans les embruns, ou un brouillard, une ondée sur le négatif d'une plaque photographique.
Là-bas, j'ai pris corps dans un vers à soie et, au travers de cette poussière tissée, la lumière m'a invité à naître. Mais j'attends encore un peu, je résiste. Mon corps frêle se balance au gré d'une légère brise comme s'il chevauchait le pinceau du peintre.
Moi, la termite jamais rassasiée, creusant inlassablement le mobilier de mes ancêtres, et rebroussant chemin lorsque l'obscurité totale devenait seulement pénombre, je poursuivais ma route et colonisais de nouveaux continents, à la dérive, dans les sphères non-matérielles. Je prenais mon temps, mais les autres derrière moi pressaient mon pas.
Là-bas, j'ai posé le pied sur l'ombre du soleil, elle était égarée dans un grenier. Je l'ai retrouvée, puis déposée comme une offrande entre deux éclaircies, dans la torpeur d'une ville assommée de silence et de chaleur.
Ne me demandez pas comment j'ai fait tout cela mais plutôt où j'étais. Et je vous répondrai : « au musée. » Demandez-moi qui a resserré le cosmos autour de mon champ de vision, qui a opéré cette mutation intérieure. Et je vous donnerai un nom : Pierre Soulages.
Là-bas, j'ai été avalé par une baleine et devant moi, bercé, couvé par les effluves marines, à travers les fanons de la bête, miroitait la surface d'une mer tiède. À peine effrayé par ce drame, j'ai recouvert tous mes autres cauchemars d'encre de chine, cherchant à laver mes peurs et celles des autres, ancestrales. Depuis, tous les murs se fissurent et retiennent sur mon passage les traces de mes rêves métallurgiques.
Là-bas, enfermé dans cet immense sténopé, j'attendais que Dieu daigne libérer le petit trou par lequel le monde se renverserait dans ma chambre noire : il a joué avec moi comme je jouais, étant enfant, à presser mes paupières closes et faire apparaître des formes fantomatiques.
Là-bas, j'ai bu la tasse des hydrocarbures en faisant semblant de me noyer dans la nappe compacte de mes illusions. Et mon souffle s'imprime depuis comme un crachin de seiche dans les embruns, ou un brouillard, une ondée sur le négatif d'une plaque photographique.
Là-bas, j'ai pris corps dans un vers à soie et, au travers de cette poussière tissée, la lumière m'a invité à naître. Mais j'attends encore un peu, je résiste. Mon corps frêle se balance au gré d'une légère brise comme s'il chevauchait le pinceau du peintre.
Moi, la termite jamais rassasiée, creusant inlassablement le mobilier de mes ancêtres, et rebroussant chemin lorsque l'obscurité totale devenait seulement pénombre, je poursuivais ma route et colonisais de nouveaux continents, à la dérive, dans les sphères non-matérielles. Je prenais mon temps, mais les autres derrière moi pressaient mon pas.
Là-bas, j'ai posé le pied sur l'ombre du soleil, elle était égarée dans un grenier. Je l'ai retrouvée, puis déposée comme une offrande entre deux éclaircies, dans la torpeur d'une ville assommée de silence et de chaleur.
Ne me demandez pas comment j'ai fait tout cela mais plutôt où j'étais. Et je vous répondrai : « au musée. » Demandez-moi qui a resserré le cosmos autour de mon champ de vision, qui a opéré cette mutation intérieure. Et je vous donnerai un nom : Pierre Soulages.
Peinture à l'huile sur toile de Pierre Soulages, 21 août 1963 (détail) ⓒ Aude Espagno. |
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