mardi 14 janvier 2014

Noce Blanche

Noce Blanche de Jean-Claude Brisseau (1989)

Nous y sommes. La cinquantaine, le petit bilan d'une vie. Tout est construit, installé. Tout fonctionne jusqu'à ce qu'une élève brise la routine. Elle se comporte comme une adulte, elle pense comme une adulte et claque la porte de la classe comme elle claquerait la porte de la chambre après une dispute conjugale. Le piège se referme sur François, professeur de philosophie.
François sait déjà tout sur tout. Y compris sur l'inconscient. L'homme est-il véritablement lui-même lorsqu'il agit inconsciemment ? S'il n'est pas lui-même et qu'il agit sous le coup d'élans qu'il ne maîtrise pas, alors est-il responsable ? 
Mais la pensée ne trouve aucun remède au vide de sa propre existence. Alors lorsque Mathilde crie à l'aide, François est là puisqu'il ne l'est plus pour lui-même. Il n'a plus de corps, il n'existe plus comme avant. Il est dans l'instant. Il est jaloux comme un adolescent et ses vêtements ne lui siéent plus. Son horizon fermé s'ouvre sur une petite cour de ciment certes, mais à l'abri du monde.
Le téléphone. Il ne fait que sonner. Il est insupportable. C'est un lien qu'il est impossible de rompre car il relie vers l'extérieur, y compris lorsque François est allongé dans son jardin, prisonnier de cette petite parcelle de nature. Couper ce lien c'est mourir plus vite. Alors François décroche. Et cède à son désir jusqu'à ce que la morale se rappelle à lui. Mais pas seulement la morale. Celle-ci ne tient à rien finalement. Nietzsche, déjà, ne lui accordait pas grande valeur. François voit plus loin : il sait qu'en cédant à son désir, il n'y a pas d'horizons meilleurs. Tout sera alors figé. Figé autrement, elle, jeune et lui, l'homme construit, mais figé quand même. Il faut donc tout interrompre. Le téléphone sonne, François ne débranche pas. Il décroche mais ne parle plus. Sauf que toute maturité est fragile devant les pulsions. Le langage interrompu, la violence refait surface. 
La punition ne tarde pas, il est muté à Dunkerque. Au tableau, l'inconscient fait place à un nouveau sujet de réflexion : « L'homme a le choix entre la raison et le désir. » Mais là aussi, le téléphone retentit. Cette fois, c'est la fin. Mathilde n'est plus, aussi bien aurait-elle pu ne pas exister. Il ne reste, de cette petite flamme, qu'une trace noire cendre sur un mur sans tableau, un message comme une issue adressé à lui : « Il y a l'océan. » L'eau, l'horizon, le mouvement. Tout est là.

Bruno Cremer, « François ».

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