Bird People de Pascale Ferran (2014)
Gary et Audrey. Un homme et une femme. Le genre humain. Adam et Ève. Tout commence par une chute donc. L'angoisse saisit Gary en pleine nuit. Et l'épuisement clôt les yeux d'Audrey. Un débordement, un pied hors de ces trajectoires hiérarchiques, ces barreaux symboliques qui nous donnent l'illusion de cadrer nos vies. Un jour, le corps ne tient plus et nous abandonne. À ce moment précis, il nous abandonne pour nous libérer. Dans cette cassure, à travers cette brèche, ce petit espace, s'infiltre bien plus qu'un courant d'air qui peine à renouveler l'air étouffant d'une chambre d'hôtel.
Quitter son corps lorsque celui-ci nous quitte. Ou, pour le dire autrement : quitter l'image que nous avions de notre corps pour le réinvestir soi-même. Lui redonner une chance. Renaître. Et habiter un monde nouveau. Un hôtel par exemple. Un lieu dans lequel il est possible de tout reconstruire, puisque rien ne nous appartient. Personne n'habite ces chambres, c'est un lieu de passage. Il est l'image même de notre condition ici-bas. Le lieu de passage relativise tout. À chaque instant où nous passons quelque part, nous n'existons pas. Il faut stopper cette marche folle, et respirer dans cet espace de passage avant d'investir le suivant. Rehabiter son corps avant d'habiter le monde. Et pas seulement lorsque le monde même nous invite à s'interrompre au moment où ses lumières artificielles s'éteignent provisoirement.
Lorsque la conscience s'infiltre aussi dans la brèche, « personne » devient quelqu'un. Comme cet homme qui habite sa chambre et peint la vie, la vraie, la nature, qui se déploie autour de l'hôtel. Et lorsque « personne » devient quelqu'un, la conscience devient l'envol. À priori comme ces avions, sauf qu'elle ne laisse personne d'autre que soi la piloter. Emprunter les pistes éclairées parmi le hasard des envies, oui, mais pas seulement. Rompre les lignes des pistes, des autoroutes, des traces au sol, des rangées de lumières qui foisonnent. Rompre les lignes à l'identique d'une trajectoire d'oiseau pour qu'à chaque brisure s'immisce un souffle de liberté.
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« Audrey », Anaïs Demoustier. |
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