jeudi 23 janvier 2020

L'âme comme une araignée

« L’âme est dans notre corps comme une araignée dans sa toile. Celle-ci ne peut se remuer sans ébranler quelqu’un des fils qui sont étendus au loin, et, de même, on ne peut remuer un de ces fils sans la mouvoir. On ne peut toucher un de ces fils qu’il n’en remue quelque autre, qui lui répond. Plus ces fils sont tendus, mieux l’araignée est avertie. S’il y en a quelques uns de lâches, la communication sera moindre de ce fil à l’araignée, ou de ce fil à un autre fil, et la providence de l’araignée sera presque suspendue dans sa toile même.
Comme ceux qui jouent de quelques instruments de musique ont soin d’y mettre des cordes qui n’aient aucun nœud, qui n’aient pas un endroit plus ou moins épais, plus ou moins serré que les autres, afin qu’il ne se fasse pas d’interruption, il faut de même, dans notre machine, pour la communication facile des mouvements, que toutes les parties nerveuses soient unies, lisses, qu’il n’y ait point d’endroit plus serré, plus sec, moins propre à recevoir le suc nourricier, que chaque partie réponde au tout, que ce tout soit un, et qu’il n’y ait aucune interruption dans la contexture ».*
 
*Montesquieu, Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, éd. Roger Caillois, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. 2, 1951, p. 49. Texte écrit entre 1736 et 1742.
 
28 décembre 2019 ⓒ Richard Schroeder.

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